Décryptages
4/09/20
Validation d’une contrainte dont la signature est une image numérisée

L’essor du numérique et des nouvelles techniques de communication aura radicalement bouleversé le paysage des pratiques professionnelles. La signature digitale, dite signature scannée, est très utilisée à la place des solutions souvent beaucoup plus complexes des signatures électroniques. Cependant, si la signature électronique a un statut juridique précis, il n’en est rien de la signature digitale.
Dans un arrêt du 28 mai 2020, la Cour de Cassation s’est pour la première fois prononcée sur un litige relatif à la valeur de l’apposition d’une signature digitale.
En l’espèce, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV), a octroyé à l’un de ses affiliés, le 28 janvier 2015, une contrainte au titre de cotisations dues pour les années 2011 à 2013. L’affilié a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale, qui par un jugement en date du 10 décembre 2018, a retenu que la signature litigieuse était une signature scannée et ne permettait donc pas de déterminer l’identité de la personne ayant apposé cette signature sur la contrainte.
Dès lors, la CIPAV a formé un pourvoi en cassation et c’est à ce titre que la Haute juridiction a pu consacrer la validité de la contrainte dont la signature est une image numérisée.
L’identité du signataire était une question centrale du jugement contesté, rendu sur le fondement de l’ancien article 1316-4 du Code civil, applicable à la date de la signature de la contrainte, qui dispose que « La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte (…). Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »
Rappelant que la signature apposée sur la contrainte était une signature numérisée et non pas une signature électronique, les juges de première instance ont écarté la validité de ladite signature digitale.
Ainsi, la Cour de Cassation dans une décision parfaitement logique vient rappeler que la signature numérisée n’a pas à être écartée du seul fait qu’elle n’est pas une signature électronique au sens du règlement européen eIDAS et du Code civil.
Il apparaît également que, bien que la Cour de Cassation reconnaisse pleinement la valeur juridique de la signature digitale, elle n’empêche pas pour autant la possibilité de contester la qualité du signataire dès lors que d’autres éléments corroborent qu’il n’avait pas compétence pour décerner la contrainte. On peut déduire, que dans le prolongement de cette affirmation, une contestation sur la signature digitale elle-même pourrait également être réalisée, conduisant ainsi à une étude graphologique permettant de détecter la fraude. C’est ici la reconnaissance du contrôle à la fraude classique qui tend à révéler la véracité d’une signature, indépendamment du fait qu’elle soit électronique ou digitale et il appartient aux juges du fond de vérifier que la signature employée ne révèle aucun doute s’agissant de l’identité et de la qualité du signataire.
La solution posée par la Cour de Cassation peut être saluée puisqu’elle abandonne cette distinction, presque schizophrénique, entre la signature électronique et la signature digitale et rend compte, par la même occasion, de la réalité s’agissant de l’usage quotidien de la signature digitale dans la pratique.
Auteurs
Eric Barbry, Associé
Sabina Topcagic, Elève Avocat
Avocats concernés :