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27/05/25

Discrimination en raison du handicap et préconisations du médecin du travail

Adapter le poste de travail : attention à la discrimination

 

Les travailleurs reconnus handicapés par la Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) bénéficient, auprès de la médecine du travail, d’un suivi individuel adapté. A leur égard, la périodicité des visites médicales n’est pas quinquennale mais triennale (C. trav., art. R. 4624-17). A l’occasion de ces visites, le médecin du travail peut proposer à l’employeur, chaque fois qu’il l’estime nécessaire pour protéger la santé du salarié concerné, d’aménager ses conditions de travail. Les préconisations médicales ne sont pas impératives. L’employeur demeure libre de décider, selon les circonstances, de les mettre en œuvre ou non. Mais son choix n’est pas sans conséquences si le salarié handicapé invoque une discrimination. L’employeur qui a constamment adapté le poste de travail du salarié en considération des prescriptions du médecin du travail semble prémuni de toute action en discrimination (Cass. soc., 8 janv. 2025, n° 23-15.410).

 

Refuser les préconisations médicales : un risque juridique réel

A l’inverse, celui qui a refusé de mettre en oeuvre les préconisations s’expose à une condamnation pour discrimination en raison du handicap. La loi aménage la preuve nécessaire à l’action du salarié. Au titre « des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » que doit présenter le salarié (C. trav., art. L. 1134-1), il lui suffit de faire valoir le refus de l’employeur, même implicite, de prendre des « mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables » (Cass. soc., 2 avr. 2025,

n° 24-11.728). Lorsqu’il peut faire état de ce refus, le salarié n’a pas à présenter d’autre élément. Il est automatiquement présumé victime de discrimination.

 

Comment se défendre ?

 

La charge de la preuve est alors renversée. Il revient à l’employeur de démontrer l’absence de discrimination en justifiant son refus de mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail. Premier motif susceptible de justifier le refus : l’impossibilité matérielle d’adopter les mesures préconisées. L’employeur doit ici démontrer que :

1) la proposition du médecin du travail était impossible, et non seulement difficile, à mettre en œuvre ; et 2) que l’impossibilité n’était pas purement juridique. Notamment, le refus de la préconisation de recourir au télétravail ne saurait être justifiée par l’absence d’accord ou de charte encadrant le recours à cette modalité de travail. A contrario, l’employeur démontrant que le poste occupé n’est pas télétravaillable ne s’expose à aucune sanction. Second motif susceptible de justifier le refus : le caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à la mise en œuvre des préconisations du médecin du travail. C’est ici le coût pour l’entreprise qui peut être avancé par l’employeur. Les juges disposent toutefois d’un pouvoir d’appréciation sur le caractère réellement excessif de la mesure proposée par le médecin du travail.

Leur appréciation pourrait vraisemblablement varier en fonction des moyens de l’entreprise, une PME ne devant sans doute pas être considérée de la même manière qu’une grande entreprise (ou qu’une entreprise appartenant à un grand groupe) disposant d’une large surface financière.

 

Quels risques en cas de contentieux ?

 

Quoi qu’il en soit, les enjeux d’un éventuel litige sont de deux ordres. Le salarié pourrait saisir un juge des référés pour qu’il ordonne à l’employeur de mettre fin à la discrimination alléguée.

Les juges pourraient ainsi, éventuellement sous astreinte, contraindre l’employeur à mettre en œuvre les préconisations du médecin du travail. Toutefois, en pratique, le salarié recherche plus fréquemment une indemnisation financière. En l’absence de préjudice nécessaire, il lui reviendrait alors de démontrer le dommage résultant du comportement discriminatoire. Ce dommage pourrait résulter d’une atteinte à sa santé ou à son intégration dans l’entreprise.