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29/07/25
Quels risques encourt le Responsable des Ressources Humaines en cas d’inaction en matière de risques psycho-sociaux ?
La question de la santé mentale au travail occupe une place croissante dans le débat public. Les prérogatives du responsable des Ressources Humaines sont, par conséquent, de plus en plus scrutés. Si son obligation de vigilance en matière de prévention des risques psychosociaux est bien établie, peut-elle aller jusqu’à engager sa responsabilité en cas d’inaction ?
Les relations professionnelles relayées dans les médias concernant la société Ubisoft ont fait l’objet d’un litige porté devant le tribunal correctionnel de Bobigny avec des poursuites pénales engagées contre 3 dirigeants.
Un temps, la recherche de responsabilité de la responsable Ressources Humaines a été envisagée. Il lui était reproché de ne pas être intervenue pour protéger la santé physique et mentale des salariés lorsqu’elle était saisie de faits prétendument commis par les dirigeants d’Ubisoft. Son silence aurait assuré, au moins jusqu’à ce que la justice soit saisie, l’impunité des dirigeants mis en cause. Cet élément est d’ailleurs utilisé comme moyen de défense par un dirigeant d’Ubisoft qui se prévaut de l’absence de conscience d’avoir commis d’éventuelles fautes. Selon son avocat, « s’il avait été recadré (par les RH), il n’y aurait pas eu de victimes, pas de dossier ».
Finalement, aucune action n’a été engagée devant le juge pénal contre la responsable Ressources Humaines.
La responsabilité pénale : une action positive reste nécessaire
L’affaire France Télécom a permis à la Cour de cassation de consacrer une nouvelle figure : le « harcèlement moral institutionnel » en présence d’agissements visant à arrêter et mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise ayant pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier.
Dans le cadre de ce litige, des poursuites ont été engagées contre des responsables Ressources Humaines qui ont été condamnés pour « s’être rendus complices du délit de harcèlement moral », notamment « (…) en mettant en place des outils de pression sur les départs tels que les réorganisations laissant des salariés et des agents sans poste, (…) en encourageant les procédés visant à créer une instabilité pour les agents et salariés, et en organisant les incitations financières relatives à l’atteinte des objectifs de réduction d’effectifs » (Cass. crim., 21 janv. 2025, n° 22-87.145).
En l’état de la jurisprudence, la seule inaction ne devrait pas suffire à caractériser la faute pénale du Responsable Ressources Humaines. A date, seule une action positive caractérisant une mise en danger par le RH de la santé du salarié, éventuellement un cas de harcèlement, constituerait le comportement pénalement répréhensible.
Ce précédent confirme que la responsabilité pénale du DRH ne peut être engagée que lorsque son comportement participe activement à la mise en danger de la santé des salariés.
La responsabilité disciplinaire : seul moyen réellement utilisable
Sur le terrain disciplinaire, la responsabilité du Responsable Ressources Humaines est beaucoup plus directement mobilisable. Comme tout salarié, il est soumis à une obligation de sécurité, adaptée à la nature de ses fonctions et à son niveau de responsabilité (C. trav., art. L. 4122-1).
Le Responsable Ressources Humaines étant l’incarnation du système de prévention des risques professionnels, sa responsabilité disciplinaire peut être engagée lorsqu’il ne prend aucune initiative pour mettre fin à un dysfonctionnement dans l’entreprise mettant en cause leur santé ou leur sécurité, alors qu’il en a été alerté.
La Cour de cassation (Cass. soc., 8 mars 2017, n° 15-24.406), a ainsi validé le licenciement d’un Responsable Ressources Humaines qui, ayant connaissance de « comportements inacceptables », n’avait « rien fait pour mettre fin à ces pratiques ». La solution est justifiée, selon l’arrêt, par la mission confiée au Responsable consistant à veiller « au climat social ». Son inaction avait ici laissé perdurer des « méthodes managériales inacceptables » mettant « en danger tant la santé physique que mentale des salariés ».
L’arrêt est doublement intéressant. Le licenciement du Responsable Ressources Humaines a été considéré comme justifié même s’il n’est pas l’auteur ou le complice des faits commis. Son inaction suffit à caractériser la faute disciplinaire. Ensuite, l’employeur avait décidé de prononcer un licenciement pour faute sérieuse. Il demeure toutefois permis de considérer que, selon la gravité des faits reprochés au Responsable des Ressources Humaines, l’inaction pourrait caractériser une faute grave.
Auteurs :
- Guillaume THULEAU, associé droit social chez Racine
- Emeric JEANSEN, maître de conférences HDR à l’@Université Paris-Panthéon-Assas et membre du conseil scientifique de Racine
- Carla DI FAZIO-PERRIN, associée droit social chez Racine
Avocats concernés :