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26/04/18

Règlement européen des plateformes numériques : petit ou gros tsunami juridique ?

Règlement européen des plateformes numériques : petit ou gros tsunami juridique ?

La Commission européenne a présenté ce jeudi 26 avril une proposition de Règlement visant à promouvoir la transparence des plateformes numériques («online intermediation services») envers ses utilisateurs professionnels («business users»). Cette proposition vise donc à l’adoption d’un Règlement, qui contrairement à une directive serait donc d’application directe dans les Etats membres, sans passer par la case transposition. Il était temps que l’UE s’empare de ce sujet, le droit européen restant figé sur ce point depuis la directive e-commerce du 8 juin 2000 !

Ce Règlement viserait les plateformes numériques ainsi que les moteurs de recherches. Pour être concernée par le Règlement, une plateforme doit réunir trois conditions cumulatives : elle doit constituer un service de la société de l’information, autrement dit tout service rendu contre rémunération, à distance et par voie électronique suite à la demande individuelle du destinataire du service ; elle doit permettre aux professionnels de mettre en vente des produits et services dans l’optique de faciliter leurs transactions ; elle doit être proposée aux professionnels dans le cadre de relations contractuelles unissant d’un côté le responsable de la plateforme, et de l’autre, le professionnel ou le consommateur (article 2 (2) de la proposition de Règlement).

La cible de ce Règlement serait donc notamment Google, Amazon, Ebay, Airbnb ou Uber, pour ne citer que les plus connus.

Ce qui conduit à se poser la question du champ d’application territorial de ce Règlement. En effet, la cible première reste les grandes firmes américaines précitées mais d’autres «plateformes interne» seraient également touchées. On peut penser évidement aux entreprises chinoises comme Alibaba par exemple. Le Règlement concernerait plus précisément toute plateforme implantée au sein de l’Union européenne ou qui proposerait ses services à un ressortissant de l’Union.

Si toutefois le nombre d’articles reste limité (une dizaine d’articles de fond) l’impact est énorme.

En substance, le Règlement prévoirait pour les plateformes concernées :

  • Une transparence accrue des termes et conditions d’utilisation (article 3) ;
  • Des obligations en termes de rupture de contrat entre le professionnel et la plateforme (article 4) ;
  • Plus de transparence à propos du référencement des professionnels (article 5) ;
  • L’obligation de rendre des comptes lorsqu’elles opèrent un traitement privilégié envers un professionnel particulier ou les produits et services qu’il propose (article 6) ;
  • Une plus grande transparence quant aux données collectées par la plateforme sur les professionnels et les consommateurs qui l’utilisent (article 7)
  • Plus de transparence vis-à-vis des restrictions qui peuvent être imposées par les plateformes aux professionnels, notamment quant à l’utilisation d’autres circuits de distribution (article 8) ;
  • La proposition prévoit également la mise en place par les plateformes d’une procédure permettant aux professionnels de formuler des réclamations (article 9). Ce service devra être facilement accessible et pourra être utilisé pour des problèmes de conformité aux réglementations en vigueur par la plateforme, ou encore des problèmes techniques rencontrés sur cette dernière.
  • Par ailleurs, la plateforme devra prévoir une liste de médiateurs (article 10) avec lesquels elle serait prête à négocier, lorsque le service de réclamation n’aurait pas suffi à régler un différend.
  • Enfin, les organisations ou associations représentatives des professionnels concernées pourront intenter des actions devant la Justice au sein de l’Union de sorte de faire cesser le comportement litigieux d’une plateforme (article 12).

Quoiqu’il en soit, il s’agira d’étudier de très près la procédure législative menant à l’adoption de ce Règlement tant son retentissement sera marquant. Cette proposition devra d’abord passer devant le Conseil et le Parlement et fera certainement l’objet de modifications.

En France, les plateformes numériques font déjà l’objet de réglementations depuis la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016, mais uniquement à propos de leurs relations avec les consommateurs (B to C). A ce propos, on ne peut que s’interroger sur la décision prise par l’UE de ne traiter que les relations de professionnels à professionnels (B to B) et non l’aspect B to C qui reste de loin le plus critique.

Auteur :

Eric Barbry
Avocat associé
Responsable de la pratique IP-IT & Data Protection
Cabinet Racine

Eric Barbry

 

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