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5/09/23

Révocation du dirigeant social fondée sur une action en justice engagée contre la société

(Cass. Com., 21 juin 2023, n° 21-21.875)

Ne saurait constituer une faute grave, justifiant la révocation du dirigeant social, le fait que ce dernier ait assigné en justice la société.

Est licite, comme ne revêtant pas un caractère léonin, la clause prévoyant la transmission de droits sociaux à un prix convenu, notamment au prix de souscription des actions cédées affecté d’une décote.

 

Dans le cadre d’opérations de regroupement, la société HOLDING 2P (« H2P ») a :

  • apporté à la société FINANCIERE KARTESIS l’ensemble des titres qu’elle détenait dans une autre société, apport rémunéré par l’octroi d’actions de FINANCIERE KARTESIS et de BSA ;
  • consenti à d’autres associés de FINANCIERE KARTESIS une promesse de vente portant sur l’intégralité de sa participation en cas de révocation de M. Y., actionnaire de H2P, de ses mandats sociaux au sein de FINANCIERE KARTESIS.

Quelques mois plus tard, M. Y. a agi en nullité pour dol des opérations de rapprochement, action déclarée ultérieurement irrecevable par le tribunal de commerce.

Moins de 2 semaines après l’introduction de l’instance en nullité, M. Y. a été révoqué de ses mandats sociaux par l’assemblée générale de FINANCIERE KARTESIS pour faute grave, celle-ci résidant notamment dans l’action initiée sur le terrain du dol.

Une action judiciaire a été initiée visant à statuer i) sur la validité de la révocation du dirigeant et ii) sur la licéité de la promesse de vente, demandes dont a été saisie la Cour de cassation.

 

Révocation pour faute grave : une question de jurisprudence

S’agissant de la révocation pour faute grave, la Chambre commerciale avait à trancher du point de savoir si l’exercice d’une action judiciaire à l’encontre de la société par un de ses associés, mandataire social de celle-ci, était constitutif d’une faute grave[1].

Autant la jurisprudence relative à cette question sur le terrain du droit social est assez nombreuse, autant ce sujet a été peu traité par la Chambre commerciale.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et juge qu’une action judiciaire initiée par un mandataire social à l’encontre de la société ne saurait revêtir la qualification de faute grave, peu important que cette action ait été par la suite déclarée non-fondée.

Selon la Cour de cassation, retenir la solution inverse reviendrait à porter atteinte au droit d’ester en justice, liberté fondamentale consacrée par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 

Licéité de la promesse de cession de titres : la Cour de cassation maintient sa position

S’agissant de la licéité de la promesse de cession de titres à un prix conventionnellement convenu (i.e. prix de souscription des actions), se posait la question à la Chambre commerciale du caractère léonin ou non de la promesse de vente ainsi consentie par un associé en cas de révocation du dirigeant social.

La Cour de cassation maintient sa jurisprudence sur ce point au visa de l’article 1844-1 du Code civil : ne saurait revêtir un caractère léonin la clause attribuant au promettant un prix de cession égal au prix de souscription des actions.

Selon la Chambre commerciale, une telle clause ne fixe pas une répartition des bénéfices et des pertes entre les associés, condition requise pour voir appliquer la sanction du réputé non-écrit de l’article 1844-1 du Code civil.

 

[1] La faute grave avait été conventionnellement définie par les parties comme une « faute créant ou susceptible de créer un préjudice grave à la société ou une filiale ».

 

Auteurs

  • Coline Heintz, Counsel
  • Lena Hoss, Avocate
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Avocats concernés :