Flash infos

Flash infos

13/11/20

Rupture brutale et déséquilibre significatif : de nouveaux principes en jurisprudence

  1. Un principe rassurant en droit de la rupture brutale des relations commerciales :

Jusqu’à présent, celui qui avait perdu confiance dans son partenaire et qui voulait donc mettre fin à la relation, avait le choix entre (i) lui accorder un préavis suffisant au regard des critères légaux (essentiellement l’ancienneté de la relation, voir l’article L 442-1 II du code de commerce, anciennement L442-6.I.5°) pour ne prendre aucun risque ou (ii)  lui notifier une rupture immédiate pour faute grave. La Cour de Cassation considérait en effet que si un préavis était accordé  – fût-il réduit -, cela montrait que la relation pouvait se poursuivre et donc que les manquements de l’autre partie n’étaient pas suffisamment graves pour justifier une rupture.

Une telle position apparaissait extrême et contraire au bon fonctionnement de la vie des affaires : les deux parties ont en effet intérêt à terminer leur relation en bonne intelligence et à trouver un « bon accord » qui permette à chacun d’avoir le temps de rechercher un autre partenariat ou une autre solution.

Faisant preuve de bon sens, la Cour de Cassation revient sur sa précédente jurisprudence et reconnaît, dans un arrêt du 14 octobre 2020, la possibilité d’accorder un préavis pour celui qui rompt « même en présence de manquements (de l’autre partie) suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate ». Ainsi, l’on peut désormais à la fois notifier des manquements contractuels et une rupture avec préavis.

Cela va aussi, nous semble-t-il, dans le sens de l’application du principe de bonne foi dans les relations contractuelles, principes reconnus d’ordre public depuis la réforme de 2016.

  1. Un arrêt inquiétant en matière de déséquilibre significatif commercial :

C’est ici la Cour d’appel de Paris qui, dans un arrêt du 15 octobre 2020, élargit la possibilité pour le juge de contrôler l’adéquation du prix fixé entre professionnels.

Rappelons que le texte de l’article L 442-1.I.2° du code de commerce (anciennement L 442-6.I.2°) est très large et sanctionne le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » sans autre précision.

Les textes similaires qui existent en droit de la consommation et en droit civil prévoient quant à eux expressément que le déséquilibre ne peut pas porter sur la question de l’adéquation du prix du bien ou de de la prestation.

Cette différence de rédaction a amené la Cour de cassation à considérer qu’en droit commercial, le juge a la possibilité d’apprécier s’il y a ou non adéquation du prix. Cette jurisprudence critiquable et dangereuse semblait cependant limitée à la « convention unique », conclue chaque année entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs, dont le contenu est très encadré par la loi afin de permettre à la DGCCRF de vérifier la façon dont les éléments composant les prix ont été définis.

L’arrêt ici commenté ne concerne toutefois pas le domaine de la convention unique, mais une relation classique de prestations de services. Pourtant la Cour d’appel affirme que l’adéquation du prix d’une prestation relève du contrôle du juge au titre du déséquilibre significatif. Même si la Cour ne retient pas un tel déséquilibre en l’espèce, c’est évidemment le principe qui inquiète, en ce qu’il va pouvoir permettre à des professionnels de tenter de remettre en cause a posteriori les prix de vente ou de prestations qu’ils ont acceptés…

Une telle position apparaît difficilement compréhensible. A la fois parce qu’il nous semble évident que le législateur, lorsqu’il a introduit le déséquilibre significatif dans le code de commerce, n’a nullement eu l’intention de permettre un contrôle judiciaire sur les prix… Et aussi parce que, comme rappelé ci-dessus, le consommateur -qui devrait bien entendu être  mieux protégé qu’un professionnel-, est quant à lui empêché d’agir s’il s’est vu  imposer un prix extrêmement déséquilibré à son détriment, puisque le droit de la consommation l’interdit…

Reste à savoir maintenant si la Cour de Cassation approuvera ou non l’extension décidée par la Cour d’appel de Paris…

Télécharger

Avocats concernés :