Décryptages
15/05/25
La Directive Accessibilité du 17 avril 2019 et la commercialisation de services bancaires et financiers

La directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services (ci-après la « Directive » ou la « Directive Accessibilité ») a été adoptée le 17 avril 2019.
La Directive vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité relatives à certains produits et services afin de promouvoir « la participation pleine et effective des personnes handicapées sur un pied d’égalité, en améliorant leur accès aux produits et services courants, qui, du fait de leur conception initiale ou de leur adaptation ultérieure répondent à leurs besoins spécifiques ».[1] L’objectif général d’accessibilité implique la prévention ou la suppression des obstacles à l’utilisation des produits et services courants. Elle permet aux personnes présentant des limitations fonctionnelles, y compris les personnes handicapées[2], de percevoir, d’utiliser et de comprendre, sur la base de l’égalité avec les autres, ces produits et services.
La Directive Accessibilité a été transposée en droit français[3] par l’article 16 de la loi n°2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (ci-après la loi « DADUE »)[4].
L’article 31 para. 2 de la Directive prévoit que les Etats membres devront appliquer les dispositions de celle-ci à partir du 28 juin 2025. Cependant, certaines mesures transitoires ont été prévues par l’article 32 de la Directive et transposées à l’article 16, VIII de la loi DADUE. En synthèse, il résulte de cet article que :
- En principe, les nouvelles exigences en matière d’accessibilité seront applicables :
- Par dérogation[7]:
- Les prestataires de services pourront, jusqu’au 28 juin 2030, continuer à fournir leurs services en utilisant les produits qu’ils utilisaient légalement pour fournir des services similaires avant le 28 juin 2025 ;
- Les contrats de services conclus avant le 28 juin 2025 pourront s’appliquer sans modification jusqu’à leur terme, et au plus tard jusqu’au 28 juin 2030 ;
- Les terminaux en libre-service utilisés légalement par les prestataires de services pour fournir des services avant le 28 juin 2025 pourront continuer à être utilisés pour fournir des services similaires jusqu’à la fin de leur durée de vie économiquement utile, cette durée ne pouvant excéder quinze ans à compter de leur mise en service, et leur renouvellement devant être fait en s’assurant d’une répartition territoriale équilibrée.
Champ d’application de la Directive Accessibilité dans le secteur financier
La Directive, impose des obligations d’accessibilité concernant certains produits et services :
Dans le secteur financier, doivent être rendus accessibles à tous les usagers les produits suivants[8] :
- Guichets de banque automatiques (GAB / DAB) ;
- Terminaux de paiement en libre-service (terminaux sur automates, stations de lavage, stations essence, kiosques, bornes de recharge pour véhicules électriques, parking, péage etc.) ;
- Automates / bornes en libre-service dans les agences bancaires (accueil, file d’attente, etc.)
- Tout produit utilisé dans la fourniture d’un service (question des cartes de paiement etc.).
Dans le secteur financier, doivent être rendus accessibles les services suivants lorsqu’ils sont fournis à des consommateurs[9] :
- Les crédits à la consommation, immobiliers et les découverts en compte ;
- Les comptes de paiement, l’ensemble des services liés et les méthodes d’authentification ;
- Tous les services de paiement et de monnaie électronique ;
- Les instruments de paiement sur support papier (chèque, lettre de change, billet à ordre, titres de services sur support papier, chèque de voyage, mandat postal) ;
- Les services d’investissement (RTO[10], exécution d’ordres pour compte de tiers, gestion sous mandat, conseil en investissement) et certains de leurs services connexes (tenue de compte conservation, octroi de crédits ou de prêts à un investisseur, recherche en investissement et analyse financière, les services de change[11] liés à la fourniture de services d’investissement) ;
- Les sites internet, applications en ligne, applications mobiles de banque en ligne et les services intégrés sur appareils mobiles liés aux services susmentionnés ;
- Les services de commerce électronique.
Le champ d’application quant aux acteurs soumis aux obligations d’accessibilité est également large : il s’agit de toute entreprise relevant du secteur public comme du secteur privé et qui revêt la qualification de fabricant[12], d’importateur[13], de mandataire[14] ou de distributeur[15] d’un produit visé par le texte ou encore qui fournit un service[16] visé par la Directive.
Obligations liées à l’accessibilité
Les obligations liées à l’accessibilité concernent, d’une part, le secteur des produits et, d’autre part, le secteur des services.
Les dispositions relatives à l’accessibilité des produits ont été transposées en droit interne au sein de l’Arrêté du 9 octobre 2023 au Chapitre Ier « Exigences générales en matière d’accessibilité applicables à tous les produits » et au Chapitre II « Exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits à l’exception des terminaux en libre-service ».
Les exigences sont relatives à la conception du produit en tant que telle (s’assurer que le produit, son interface utilisateur et ses fonctionnalités soient conçus afin de permettre une utilisation optimale du produit par les personnes handicapées) et à l’accessibilité des informations d’utilisation du produit et des services d’assistance qui y sont liés. Il s’agit notamment de fournir des informations qui soient disponibles au moyen de plusieurs canaux sensoriels (informations visuelles et tactiles ou visuelles et auditives etc.) aisément compréhensibles et perceptibles en utilisant une police de caractères de taille et de forme appropriées.
Les dispositions relatives à l’accessibilité des services ont été transposées en droit interne au sein de l’Arrêté du 9 octobre 2023 au Chapitre III « Exigences en matière d’accessibilité applicables aux services ».
Le texte impose des exigences d’accessibilité précises concernant les informations sur le fonctionnement du service, son accessibilité et, le cas échéant, sur l’accessibilité et l’interopérabilité du produit qui y est lié. Les sites internet, applications en ligne, services intégrés sur appareil mobile et applications mobiles en lien avec les services ci-dessus énumérés devront également se conformer à des standards précis. Enfin, en ce qui concerne les services financiers aux consommateurs, les établissements financiers devront rendre accessibles leurs services de sécurité et de paiement, leurs méthodes d’identification et de signature électronique et veiller à ce que les informations soient compréhensibles, sans dépasser un niveau de complexité supérieur au niveau B2 (avancé) du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe. A cet égard, le projet de réforme des services de paiement et de monnaie électronique (projet de directive (« DSP3 ») et de règlement (« RSP »)) prévoit que l’authentification forte devra ainsi être rendue accessible à tous et ne devra pas dépendre nécessairement de la possession d’un smartphone.
Les établissement financiers prestataires de services devront ainsi prendre soin (i) de concevoir et fournir des services accessibles (en ce inclus le parcours client, les sites internet et applications mobiles) (ii) de mettre en place des procédures et des contrôles afin que la fourniture des services demeure conforme pendant toute la durée de leur prestation (iii) enfin, en cas de non-conformité du service, de prendre des mesures correctives et d’informer les autorités de contrôle.
Dérogations permises par le texte
Dans un souci de respecter le principe de proportionnalité, il est prévu que les exigences d’accessibilité des produits et des services s’appliquent uniquement dans la mesure où la mise en conformité[17] :
- N’exige pas une modification significative du produit ou du service entraînant une modification fondamentale de la nature de celui-ci ;
- N’impose pas une charge disproportionnée aux opérateurs économiques concernés. Les critères permettant d’apprécier cette disproportion son fixés par décret.
Sanctions
Les manquements aux obligations d’accessibilité[18] imposées par la Directive sont passibles, pour les personnes morales, d’une amende de 7 500 euros par infraction. En cas de récidive dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, le montant de cette amende pourra être porté à 15 000 €[19].
A ces sanctions peuvent naturellement s’ajouter les sanctions usuelles des régulateurs : la DGCCRF pour le cas général, l’ACPR pour les produits et services bancaires, l’AMF pour les services d’investissement et la Banque de France pour les méthodes d’authentification, des signatures électroniques et des services de sécurité et de paiement.
[1] Cons. 3 de la Directive.
[2] L’article 3 para. 1 de la Directive définit les personnes handicapées comme « les personnes qui présentent une incapacité physique, mentale, intellectuelle ou sensorielle durable dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres ».
[3] Cet article apporte des modifications au Code de la consommation, au Code monétaire et financier, à la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, au Code des transports, au Code des postes et des communications électroniques et à la loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une république numérique.
[4] La loi DADUE est accompagnée du décret n°2023-931 du 9 octobre 2023 qui transpose certaines dispositions de la Directive dans la partie réglementaire du Code de la consommation[4], de l’arrêté du même jour transposant les dispositions de l’Annexe I de la Directive[4], du décret n°2023-778 du 14 août 2023 relatif à l’accessibilité des livres numériques[4] et de l’arrêté du même jour relatif aux exigences d’accessibilité applicables aux livres numériques et logiciels spécialisés[4].
[5] Listés à l’article D. 412-49 du Code de la consommation.
[6] Listés à l’article D. 412-50 du Code de la consommation.
[7] Art. 16, VIII, B, C, D.
[8] Art. 2 para. 1 de la Directive transposé à l’art. D. 412-49 du Code de la consommation.
[9] Art. 2 para. 2 de la Directive transposé à l’art. D. 412-50 du Code de la consommation.
[10] La réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers.
[11] L’article D. 412-50 du Code de la consommation vise, par erreur, les services liés à la prise ferme.
[12] Art. 3 point 17) de la Directive : « Toute personne physique ou morale qui fabrique, ou fait concevoir ou fabriquer un produit, et le commercialise sous son propre nom ou sa propre marque ».
[13] Art. 3 point 19) de la Directive : « Toute personne physique ou morale établie dans l’Union qui met un produit provenant d’un pays tiers sur le marché de l’Union ».
[14] Art. 3 point 18) de la Directive : « Toute personne physique ou morale établie dans l’Union ayant reçu un mandat écrit du fabricant pour agir en son nom aux fins de l’accomplissement de tâches déterminées ».
[15] Art. 3 point 20) de la Directive : « Toute personne physique ou morale faisant partie de la chaîne d’approvisionnement, autre que le fabricant ou l’importateur, qui met un produit à disposition sur le marché ».
[16] Art. 3 point 4) de la Directive : « Toute personne physique ou morale qui fournit un service sur le marché de l’Union ou propose de fournir un service aux consommateurs dans l’Union ».
[17] L. 412-13 du Code de la consommation.
[18] La liste des infractions figure à l’article R. 451-4 du Code de la consommation.
Avocats concernés :