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14/01/20

Responsabilité des contractants envers les tiers : l’assemblée plénière de la Cour de cassation persiste et signe !

Dans un arrêt de grande importance rendu le 13 janvier 2020, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, consolide une jurisprudence controversée en levant les doutes que des décisions récentes avaient suscités.

Soit un contrat conclu entre A et B. Dans le cadre de l’exécution de ce contrat, A manque à ses obligations. Ce faisant, il cause un préjudice à C, tiers audit contrat. C, bien que tiers, peut-il agir en responsabilité contre A pour obtenir réparation de ce préjudice ?

Jusqu’en 2006, la jurisprudence était divisée. Pour certains arrêts, le tiers ne pouvait se borner à invoquer un manquement contractuel mais devait établir que le comportement du contractant était, en lui-même, constitutif d’une faute délictuelle ou quasi-délictuelle, disons d’un écart de conduite. Pour d’autres, le manquement contractuel était à lui seul constitutif d’une telle faute.

Dans un arrêt Boot shop rendu le 6 octobre 2006 (n° 05-13.255), la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, avait semblé consacrer la deuxième solution, admettant que la responsabilité d’un bailleur puisse être engagée à l’égard d’un locataire-gérant, tiers au contrat de bail, du seul fait d’un défaut d’entretien.

Cependant la portée exacte de cette solution demeurait controversée. Certains arrêts avaient semblé se distancier de l’assemblée plénière. Notamment, la troisième chambre civile avait exclu que le tiers à un contrat de travaux puisse se borner à invoquer l’obligation de résultat pesant sur l’entrepreneur pour engager la responsabilité de ce dernier à raison des troubles subis par suite desdits travaux (18 mai 2017, n° 16-11.203).

C’est ce mouvement de distanciation que l’arrêt du 13 janvier 2020 vient contrecarrer.

En l’espèce, A, exploitant d’une centrale thermique, alimente en énergie l’usine de traitement de canne à sucre de B, son cocontractant. B conclut par ailleurs avec C un contrat aux termes duquel il doit traiter les cannes remises par ce dernier. Puis, un incendie survient dans la centrale, causant la fermeture de l’usine pendant quatre semaines. N’ayant pu bénéficier des prestations de B pendant cette période, C recherche la responsabilité de A. La cour d’appel saisie du litige rejette sa demande, au motif que les causes de l’incendie sont inconnues et que la faute de A n’est donc pas établie. Devant la Cour de cassation, le débat se concentre précisément autour de l’obligation de résultat, dont C se prévaut à l’égard de A et dont ce dernier fait au contraire valoir qu’elle ne peut suffire à révéler l’existence d’une faute.

On aurait pu s’attendre à ce que la Cour rejette le pourvoi (comme l’y invitait d’ailleurs le premier avocat général), relayant la position de la troisième chambre civile. Mais c’est au contraire une cassation qui est prononcée, pour un motif exactement identique à celui de l’arrêt Boot shop.

La lecture de l’arrêt, des travaux préparatoires et de la note explicative diffusée par la Cour ne laisse guère de doute : dès lors et dès lors seulement qu’un manquement contractuel est établi, serait-ce au seul vu d’une obligation de résultat, le tiers peut agir contre son auteur sur le fondement délictuel afin d’obtenir réparation du préjudice que ce manquement lui a causé. Aux contractants de continuer à en tirer les conséquences, notamment dans la rédaction du contrat et sur le plan assurantiel.

Même si un revirement n’est jamais exclu, la prochaine étape se trouve sans doute dans la réforme de la responsabilité civile, dont le dernier projet connu préconise, en ce domaine, de grands changements (art. 1234).

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