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20/03/20

Covid-19 : la Commission met en place un cadre spécial pour faciliter les aides d’État et prend ses premières décisions

Eléments clés

• La Commission européenne a pris le 19 mars 2020 des mesures d’urgences pour faciliter les aides individuelles ou les aides sectorielles sous la forme, notamment, de subventions, d’avances remboursables, d’avantages fiscaux, de garantie d’emprunts ou de prêts à taux bonifié

• La Commission s’est engagée à traiter avec rapidité les demandes d’aides des États membres

• Depuis l’adoption de ces mesures d’urgence, la Commission a autorisé :

–          trois régimes d’aides français et un régime d’aides danois consistant en des garanties d’Etat sur les prêts aux entreprises le 21 mars ;

–          deux régimes d’aides allemands consistant en des prêts à taux bonifié pour les entreprises le 22 mars ;

–          un régime d’aide italien sous forme de subventions directes et d’avance remboursables pour la production et la fourniture de dispositifs médicaux et d’équipements de protection individuelle le 22 mars ;

–          quatre régimes d’aides d’État portugais consistant en des garanties en faveur de PME et de sociétés à capitalisation moyenne dans quatre secteurs différents : le tourisme, la restauration, l’industrie extractive et manufacturière et l’organisation d’événements le 22 mars.

• Les outils habituels du droit des aides d’État (aides aux entreprises en difficulté, etc.) continuent de s’appliquer

• Les entreprises souhaitant bénéficier d’un soutien public dans le cadre de la crise doivent s’assurer que ce soutien soit conforme au droit des aides d’État pour éviter d’avoir à le restituer dans le futur.

La pandémie de Covid-19 provoque un choc économique de très grande ampleur. Pour aider les entreprises à faire face aux difficultés, les États membres ont annoncé des mesures économiques d’urgence : reports de charges fiscales et sociales (en France), garanties de l’État sur les prêts bancaires (300 milliards d’euros en France), recapitalisation voire nationalisation (projet de nationalisation d’Alitalia en Italie, possibles nationalisations en France), prêts publics (en Allemagne), etc.

Dans ce contexte, la Commission européenne (la Commission) vient de prendre des mesures fortes pour faciliter largement l’octroi d’aides d’État par les États membres. Ces nouvelles mesures (1) viennent compléter les outils existant déjà avant la crise et toujours disponibles (2).

 

  1. Le Temporary Framework COVID-19 du 19 mars 2020

La Commission a adopté, encore plus rapidement que lors de la crise de 2008, un cadre temporaire spécial pour faciliter les soutiens publics dans le contexte de la flambée de COVID-19 (le Temporary Framework COVID-19[1]).

Toutes les mesures ci-dessous doivent faire l’objet d’une notification à la Commission.

  • Mesures d’aides nouvelles prévues par le Temporary Framework COVID-19

Le Temporary Framework COVID-19 prévoit cinq types d’aides, en plus de celles déjà existantes, qui peuvent être accordées par les États membres pour soutenir les entreprises dès lors qu’elles remplissent les conditions ci-dessous.

  • Régime d’aides (aides accordées à une catégorie déterminée d’entreprises) sous forme de subventions, d’avances remboursables ou d’avantages fiscaux pour un montant maximum de 800 000 € par entreprise

Des règles spéciales sont prévues pour les secteurs de l‘agriculture (montant maximum de 100 000 €), de la pêche et de l’aquaculture (montant maximum de 120 000 €).

·       Aides sous forme de garanties d’emprunts bancaires (maximum 6 ans et 90 % du montant du prêt)[2]

accordées jusqu’au 31 décembre 2020 aux PME et aux grandes entreprises

Il peut s’agir de régimes d’aides ou d’aides individuelles portant sur des prêts pour l’investissement ou des prêts visant à combler le besoin en fonds de roulement. Le montant maximum du prêt garanti dépend de durée de l’emprunt, de la masse salariale, du chiffre d’affaires ou du besoin de liquidités de l’entreprise[3].

·       Aides sous forme de prêts à des taux bonifiés (maximum 6 ans)

Le taux d’intérêt devra être au moins égal au taux de base applicable au 1er janvier 2020, majoré de la prime de risque de crédit, avec des taux différents pour les PME et les grandes entreprises et fonction de la durée de l’emprunt. Le montant maximum du prêt à taux bonifié dépend de la masse salariale, du chiffre d’affaires ou des besoins de liquidités.

L’aide sous forme de prêts à taux bonifiés et l’aide sous forme de garantie d’emprunts bancaires ne peuvent pas être cumulées.

·       Aides versées par l’intermédiaire du secteur bancaire

Les aides sous forme de garanties ou de prêts à taux bonifiés qui ne seront pas accordées directement par les États membres mais par l’intermédiaire des banques ne sont pas considérées comme des aides aux banques mais à leurs clients. Le Temporary Framework COVID-19 donne également des orientations sur la manière de réduire au minimum toute aide résiduelle indue aux banques et de veiller à ce que l’aide soit répercutée sur les bénéficiaires finals (volumes de financement plus importants, prime de garantie ou taux d’intérêt plus bas, etc.).

·       Assurance-crédit à l’exportation à court terme

Le Temporary Framework COVID-19 introduit de la souplesse concernant les mécanismes assurance- crédit à l’exportation.

  • Conditions d’application des mesures d’aides prévues par le Temporary Framework COVID-19

L’ensemble de ces nouvelles mesures d’aides doivent respecter certaines conditions :

  • ces aides bénéficient aux entreprises qui n’étaient pas en difficulté économique avant au 31 décembre 2019 mais qui « sont entrées en difficulté par la suite en raison de l’épidémie » ;
  • les aides sont calculées en brut – c’est-à-dire avant toute déduction fiscale ou surtaxe ;
  • les mesures devront être notifiées à la Commission avant d’être mises en œuvre par les États membres ;
  • les mesures devront être publiées sur un site web consacré aux aides d’État de chaque État membre, dans les 12 mois qui suivent leur

Le Temporary Framework est applicable à partir du 19 mars et jusqu’au 31 décembre 2020. La Commission examinera la nécessité d’une extension et l’utilité de clarifier ce cadre. En 2008, le Temporary Framework pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière, avait été amendé et étendu à plusieurs reprises jusqu’au 31 décembre 2011.

 

  • Premières décisions d’application du Temporary Framework COVID-19

Le 21 mars, la Commission a approuvé :

  • trois régimes d’aides français permettant de mobiliser environ 300 milliards €:
  • deux régimes permettant à BpiFrance de fournir des garanties d’État pour les prêts commerciaux et des lignes de crédit au bénéfice des entreprises jusqu’à 5 000 salariés ;
  • un régime de garanties d’État aux banques sur de nouveaux prêts pour tout type d’entreprises. Il s’agit d’une aide directe aux entreprises, qui permettra aux banques de fournir rapidement des liquidités.
  • un régime d’aides danois de 130 millions € de garanties d’État pour les PME.

Le 22 mars, la Commission a également approuvé :

  • deux régimes d’aides allemands de prêts bonifiés accordés par la banque de développement allemande (Kreditanstalt für Wiederaufbau) en étroite coopération avec les banques commerciales ;
  • un régime d’aides italien de 50 millions d’euros en faveur de la production et de la fourniture d’équipements médicaux et de masques. Il profitera aux entreprises de toutes tailles qui créent de nouvelles installations ou agrandissent les installations existantes de production ou qui convertissent leur chaîne de production. Les produits doivent être mis à disposition aux prix du marché appliqués en décembre 2019. L’aide prendra la forme de subventions directes ou d’avances remboursables ;
  • quatre régimes d’aides portugais consistant en des garanties d’État pour des prêts de fonctionnement aux PME et aux entreprises de taille moyenne de quatre secteurs différents (tourisme, restauration, industrie extractive et manufacturière et organisation d’événements) pour un montant total de 3 milliards d’euros.

La Commission a considéré ces régimes comme conformes au Temporary Framework COVID-19 car :

  • les subventions directes et avances remboursables ne dépassent pas 800 000 € ;
  • les garanties couvrent des crédits dont la durée et le volume sont limités ;
  • les mesures limitent également le risque pris par l’État à un maximum compris entre 70 et 90 % selon les régimes ;
  • les garanties apportées aux banques comportent les garde-fous nécessaires afin que l’aide soit bien répercutée aux entreprises ayant besoin de liquidité

 

  • Dispositif spécial pour le traitement des notifications et questions en matière d’aides d’État

La Commission a pris des mesures spéciales pour accélérer l’instruction des dossiers :

  • mise en place d’un e-mail et d’une ligne téléphonique dédiés et accessibles 7j/7 pour répondre aux questions des États
  • publication d’un template[4] pour notifier les mesures de soutien
  • Accélération des délais d’autorisation des aides

2.               Mesures envisageables avant le Covid-19 et toujours applicables

Une série de mesures sont envisageables en temps normal pour soutenir les entreprises conformément aux règles européennes en matière d’aides d’État.

2.1.           Aides pour réparer les dommages causés par un événement exceptionnel

Sur le fondement de l’article 107 § 2 b) TFUE, la Commission peut autoriser une aide si elle a pour objectif réparer les dommages directement causés par des catastrophes naturelles ou des événements exceptionnels.

  • Pour être qualifié d’événement exceptionnel, un événement doit être imprévisible ou difficile à prévoir, d’une ampleur ou d’un impact économique significatif et La Commission a indiqué[5] que le COVID-19 satisfaisait ces conditions. Elle a précisé qu’il était nécessaire d’établir un lien de causalité entre l’événement exceptionnel et le dommage subi.
  • Le 12 mars dernier, la Commission a déjà approuvé[6] en 24 heures un régime d’aide danois de 12 millions d’euros visant à indemniser des organisateurs de spectacle pour les dommages subis en raison de l’annulation de leurs événements. Ont été considérés comme indemnisables la perte de revenus et les coûts supplémentaires dus à l’annulation, au report ou à la modification des conditions de l’organisation de l’événement.

Ces mesures pourraient particulièrement concerner les secteurs du transport, du tourisme, de la culture, de l’hôtellerie et du commerce de détail.

Par ailleurs, les entreprises qui ont déjà bénéficié d’un soutien en tant qu’entreprise en difficulté au cours des dix dernières années peuvent également obtenir une aide sur le fondement de l’article 107 § 2 b) si elles démontrent un lien entre le dommage subi et l’épidémie de COVID-19[7].

2.2.           Aides aux entreprises en difficultés

En application des lignes directrices sur les entreprises en difficulté, les États membres peuvent accorder :

  • une assistance temporaire (6 mois) à des entreprises en difficulté, sous forme de garanties de prêt ou de prêts;
  • un soutien temporaire (18 mois) aux PME et petites entreprises publiques, qui ne sont pas considérées comme en difficulté mais sont confrontées à des besoins de liquidité pressants découlant de circonstances exceptionnelles et imprévues.

2.3.           Autres aides n’ayant pas à être notifiées à la Commission

  • Les mesures générales applicables à toutes les entreprises (telle que la suspension du paiement de l’impôt sur les sociétés, de la taxe sur la valeur ajoutée ou des cotisations sociales) ne constituent pas une aide d’État. Les États membres peuvent les adopter immédiatement. C’est le cas de la décision du gouvernement français d’autoriser pour les entreprises le report sans pénalité du règlement des charges sociales et
  • Les aides de minimis, c’est-à-dire d’un faible montant (moins de 200 000 euros sur 3 ans par entreprise dans la plupart des secteurs et moins de 500 000 euros sur 3 ans par entreprise dans les services d’intérêt économique général).
  • Les aides qui bénéficient d’une exemption au titre du règlement général d’exemption par catégorie (le « RGEC »).

[1]  https://ec.europa.eu/competition/state_aid/what_is_new/sa_covid19_temporary-framework.pdf
[2] La garantie doit diminuer proportionnellement à la diminution du montant du prêt lorsque celui-ci commence à être remboursé.
[3] Le prêt ne doit pas excéder (i) le double de la masse salariale annuelle du bénéficiaire (y compris les charges sociales ainsi que le coût du personnel travaillant sur le site de l’entreprise mais officiellement payé par les sous-traitants) pour 2019, ou pour la dernière année disponible ou (ii) 25% du chiffre d’affaires total du bénéficiaire en 2019
[4] https://ec.europa.eu/competition/state_aid/what_is_new/Notification_template_107_2_b_PUBLICATION.pdf
[5] https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-6818-2020-ADD-1/fr/pdf
[6] https://ec.europa.eu/competition/state_aid/cases1/202011/285054_2139535_70_2.pdf
[7] Temporary Framework COVID-19, pt. 15.

Auteurs :

Bastien Thomas, Avocat Associé
Sabrina Noël, Avocat Collaborateur
Baudoin Pillet, Avocat Collaborateur
François Aubin, Avocat Collaborateur

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